Hamidou Maïga
Coopérant volontaire
TSF – Sénégal
Vers où aller ?
Durant toutes mes conversations avec les braves femmes bénévoles de Loumbal Baladji dans la chaleur du champ-école, je leur répétais régulièrement qu’il fallait qu’elles observent leur environnement et que toutes leurs actions présentes et futures devaient tenir en compte la préservation durable de cet environnement. La connaissance de la réalité climatique de leur région avant de décider quelles pratiques elles allaient décider d’appliquer pour le futur est primordiale.
Au 20e siècle, une partie des pays du monde a décidé de le diviser en 2 catégories : les pays développés par opposition au pays dits du tiers monde. Il est évident que les critères de sélection ont été définis par le premier groupe. Car si on décide de regarder la situation selon des critères différents cela conduit à des constats différents. Par exemple, l’Afrique est un des continents les plus riches en termes de matières premières, de terres cultivables, de ressources humaines, de savoirs ancestraux nourris d’observations menées sur plusieurs millénaires.
Cette catégorisation du monde faite, les « pays développés » décident d’aider l’autre partie de la planète à se développer, y implantant leurs pratiques intensives fondées sur l’ultra mécanisation du travail des terres et l’utilisation d’engrais de synthèses et de pesticides chimiques. Ces méthodes font peu de cas de la vie du sol et de l’équilibre écosystémique et encore moins du maintien de la fertilité globale à long terme, mais donnent des résultats impressionnants à court et moyen terme avec des rendements décuplés durant les premières décennies.
Depuis quelques années, on note une profonde remise en question quant à l’usage de cette approche, on s’interroge sur ses conséquences : beaucoup de sols sont devenus infertiles et les pesticides ont lentement mais sûrement rendus malades et tués ceux qui appliquaient ces produits, et ceux qui les mangent.
On défriche de nouvelles terres, mais c’est une fuite en avant.
Que fera-t-on lorsque toutes les terres disponibles seront devenues infertiles ?
L’agriculture biologique, l’agroécologie, la permaculture et autres agricultures régénératives sont de plus en plus adoptées par les fermiers occidentaux avant d’avoir épuisé la planète et complètement tué les superficies cultivées et risquer de ne plus être à même de nourrir leur population.
Pour en revenir à nos femmes du Fouta et à nos paysans d’Afrique qui avaient abandonné les pratiques séculaires de leurs ancêtres et qui respectaient les sols, la vie, l’environnement et les avaient remplacées par les « nouvelles » méthodes des pays développés, il est encore temps de se rétracter de ce chemin périlleux et de choisir le type d’agriculture qu’ils désirent pour demain.
La remise en question tarde à venir, mais le temps presse. Il est primordial de les sensibiliser sur les conséquences des pratiques dégradantes pour l’environnement et de diffuser les méthodes respectueuses de la biodiversité avant que ces populations se retrouvent dans la même impasse.
Il faut réexaminer les pratiques des anciens et recommencer à utiliser celles qui préservent et améliorent l’environnement, il faut s’inspirer d’hommes comme le Burkinabé Sawadogo Yacouba.
Dans les années 70, dans le village de Gourga, le village de Yacouba, le nombre de plus en plus élevé de terres devenues stériles et l’avancée du désert a déclenché un mouvement d’exode des populations de cette région à la recherche de terres plus clémentes.
Devant l’échec de toutes les stratégies des organismes d’aide au développement des pays « développés », Yacouba Sawadogo, plutôt que de choisir lui aussi le chemin de l’exode, a décidé d’essayer de remettre en usage une technique utilisée dans le passé par ces ancêtres : La technique du Zaï. Grâce à elle, le monde allait bientôt connaître Yacouba sous le surnom de « l’homme qui arrêta le désert. »
L’année après l’implantation des demi-lunes caractéristiques du Zaï., les récoltes ont de nouveau été possible et les rendements se sont améliorés d’année en année donnant naissance avec le temps à une véritable forêt en ces terres réputées infertiles.
50 ans après ses débuts, il a été récipiendaire du prix Nobel alternatif, les Nations-Unies lui ont décerné le titre de Champion de la planète et la technique du Zaï, sous le nom de technique en demi-lunes, est utilisée partout dans le monde pour ramener la vie dans les sols devenus stériles.
Une des leçons à tirer de cette histoire est qu’il faut faire attention avant de transférer des choses qui ont fonctionné ailleurs, réfléchir aux conséquences à long terme. Il faut aussi regarder ce qui marche bien dans les milieux les plus proches et aux conditions similaires aux nôtres, car elles ont plus de chance de fonctionner dans les pays de la même région.
Et cela ne s’applique pas seulement à l’agriculture. Certaines solutions utilisées dans le passé peuvent contenir de solutions aux difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.
C’est à chaque population de choisir comment laisser un endroit viable pour les générations actuelles et futures.
Alors, vers où voulons nous aller ?
Hamidou Maïga est le fondateur d’Hamidou Horticulture