Darlie Pricila Hershel Louis
Bibliothécaire de TSF
Haïti, Vialet
Journées de portes ouvertes : foire agro-gastronomique et artisanale
La célébration de la journée nationale du travail et de l’agriculture en Haïti au cours de ces 3 dernières années s’est fait une place importante dans la vie de la communauté de Petit-Goâve, principalement dans la localité de Vialet où Terre Sans Frontières a un site d’intervention.
Avec cette célébration, qui s’organise généralement autour de deux journées de portes ouvertes et de foire agro-gastronomique et artisanale, les gens de la communauté se voient offrir l’opportunité de venir écouler leurs produits et acquérir par la même occasion des revenus qui ne manqueront pas d’être utiles dans leur vie quotidienne. Ce qui fait que cette activité a un tel succès auprès des commerçants(es), des jeunes entrepreneurs et de tout individu qui détient une activité qui les aide à générer des revenus et que bon nombre d’entre eux sont également des bénéficiaires de nos programmes de développement communautaire.
Ainsi, cette année, devant l’évident constat du déclin des quantités de produits agraires sur le marché, du manque de main-d’œuvre qualifiée dans différents secteurs de production, de la perte imminente d’identité nationale et, conscient d’avoir à leur portée un grand public pouvant être sensibilisé, l’ensemble des membres de l’équipe organisatrice de la foire, après concertation, a décidé qu’il était plus qu’urgent de tirer profit de ce gain. Et de, non seulement sensibiliser davantage les gens de la communauté sur les techniques agricoles à adopter afin de réduire la pauvreté et d’annihiler la faim, mais également, il devenait important de pousser un peu plus loin le bouchon et de mettre l’emphase sur l’urgence de promouvoir la culture haïtienne, les anciennes traditions culinaires et vestimentaires, les coutumes afin d’éviter que la perte de l’identité nationale soit totale. Puisqu’à bien des égards, de par sa personnalité artistique et singulière, la culture haïtienne a une valeur marchande, fort souvent inexploitée ou refoulée, pendant que les artistes et artisans assistent impuissamment à une forme de dévalorisation de leur art sur l’étendue du territoire national.
De ce fait, dans une tentative – qui s’est avérée fructueuse – de relever et de hisser plus haut ces marques distinctives qui font de cette société ce qu’elle est, des conférences-débats sur des sujets pertinents ont été données à un public d’écoliers(ères), des représentants d’organisations locales diverses, des partenaires, des directeurs et des professeurs d’écoles avec pour thème principal : « Faire briller le soleil sur l’agro pastoralisme en passant par le travail et la culture ».
Sur un total de trois jours cette année, l’activité a pris une telle ampleur, que des bandes de rara comme le Rara Saint-Jacques de Fort-Royal et de Pa Pè chay ont fait leur apparition au grand contentement du public, en faisant valoir la qualité et la valeur de leur musique traditionnelle. Ce fut également le cas d’un groupe de musique de Racine Vaudou du nom de Rasin Bwadòm qui a enflammé le public sur le tam-tam de leur tambour comme pour dire tant que notre art et nos valeurs seront nos piliers, nous ne faillirons pas.
S’ensuivit alors un enchaînement de prestations de tous genres, des jeux et concours traditionnels. Avec une chasse aux trésors qui n’a pas manqué de mettre de l’ambiance et l’exposition de produits divers sous des tentes de ventes traditionnelles et écologiques nous avons pu compter pas moins de 4000 visiteurs et participants qui ont pu, durant ces trois journées, se défaire, pour un moment, de l’inquiétude vorace qui ronge le cœur de chaque citoyen depuis maintenant quelques petites années.
Certes, célébrer la journée Nationale du travail et de l’agriculture en Haïti relève en 2024 d’un défi, mais également, c’est une audace patriotique et culturelle. L’audace de se dire que malgré la croissance vertigineuse du taux de chômage, de la pauvreté, de la misère, l’insécurité et l’incertitude quant à la réussite de chaque individu, l’espoir reste et demeure encore. L’espoir de réussir à apporter une telle innovation dans le système agricole haïtien que plus personne ne mourra de faim, d’apporter un changement, si réel, quant à la conception erronée des jeunes à l’égard de la création des PME et la réussite de la vie intellectuelle que nous nous étonnons nous-mêmes. Et plus que de l’espoir, c’est un défi lancé au déclin de la société de mettre à genou, sans possibilité de se relever, cette génération qui contre vents et marées ne demande qu’à vivre. Et pour mieux conforter ces dires, j’aimerais autant citer ces quelques vers de Jean Morisset dans Les Bruits du Monde :
« Je suis née d’une époque
qui n’est pas arrivée à s’appartenir
et moi je voulais vivre, vivre et vivre encore
Alors que fusaient de partout le même constat
et que tous se disaient ce n’est pas possible
ça ne peut pas continuer ainsi
quelque chose va se produire… ».
Parce que nous avons tous la conviction qu’à force de travail et d’innovation nous arriverons à obtenir ce développement que nous chérissons tous et que Terre Sans Frontières, dans sa mission, met tout en œuvre pour aider notre communauté à matérialiser ce désir.
Darlie Pricila Hershel Louis
Bibliothécaire à Vialet (Haïti)