Darlie Pricila Hershel Louis
Bibliothécaire de TSF
Haïti, Vialet
Célébration de la journée internationale de la langue et de la culture créole
Vestige et patrimoine d’un passé fort tumultueux et sombre, la créolité, comme ensemble de valeurs de la culture haïtienne, est ce qui nous définit nous, un peuple ayant été par le passé assujetti au système colonial dévastateur et déshumanisant à l’égard des droits fondamentaux humains. C’est également l’expression la plus puissante de notre adaptabilité en tant qu’êtres humains et de notre personnalité cohésive malgré les divergences géographiques ou culturelles qui auraient pu nous différer de ceux qui ont vécu les mêmes péripéties que nous. Et quand on dit nous, on parle de tous les autres pays qui aujourd’hui parlent une variété de la langue créole, et dont leur nature même témoigne leur créolité autant dans leur cuisine, leur vêtement traditionnel, leur art, ou plus simplement leurs valeurs traditionnelles et socio-culturelles.
Nous en sommes donc à ce point où le créole constitue un outil de cohésion social et culturel entre des gens qui évoluent sur différents territoires, voir même sur différents continents et qui, pourtant se ressemblent et peuvent s’assembler. Car comme l’a dit si bien Aimé CESAIRE « Notre époque, c’est celle de l’identité retrouvée, celle de la différence reconnue, celle de la différence mutuellement consentie. Et, parce que consentie, surmontable en complémentarité, ce qui rend possible je veux l’espérer, une solidarité et une fraternité nouvelles ».
Ainsi nous les Haïtiens, travaillons à ce que notre langue, Kreyol Ayisyen an, ne soit plus vue ou considérée comme étant une langue de seconde zone ou encore une simple variation de la langue de ceux qui nous ont colonisés, mais de préférence une langue entière et unique, offrant au monde entier sa beauté linguistique la plus pure.
Toutefois, en Haïti, bien que plus de 90% de la population soient créolophones, l’apprentissage scolaire se fait en français. Un fait qui ne cesse de porter préjudice à certains enfants qui n’arrivent que fort mal à s’y adapter. Et malgré cela, le résultat reste et demeure médiocre. Ainsi nous avons des jeunes qui, bien qu’étant en classe supérieure, rencontrent des difficultés à comprendre certaines fois un bout de texte en français puisque dans leur milieu c’est le créole qui domine. Et parfois le professeur lui-même, ne maîtrisant que médiocrement la langue dite de Molière, est obligé d’exécuter son travail dans cette langue, laissant tout le monde dans l’incompréhension la plus complète. Alors, à défaut d’un travail de compréhension, l’élève se met à mémoriser des mots, juste pour passer les examens.
Se pou tout rezon sa yo ki fe ke lit ap mennen an Ayiti jounen jodia pou ledikasyon timoun lekol fet nan sa nou rele lang maman yo. Nan sans sa, selebrasyon jounen entenasyonal pou lang ak kilti kreyol la 28 octobre, te gen anpil enpotans pa selman, pou nou menm nan Terre Sans Frontieres ki abitye fe pwomosyon pou moun aprann bay Kilti a plis enpotans e ki gen gwo entere nan reyisit edikasyon nan sosyete sila, men se menm bagay la tou pou AKA ki se Akademi Kreyol Ayisyen an ki, pandan li t ap fete 10 rekol kafe li (10 ans d’existence) te tou pwofite lanse yon mwa pou selebre lang sila sou tem « lang kreyol, zouti rezistans pèp ayisyen ». Sa ki pa manti non mezanmi, paske pou ayisyen an ke kreyol se lang manman li, se ladann fos li ye, se avel tou wap ka konn ki moun ke li ye tout bon vre e se la tou ke tout fos deteminasyon ke yo genyen pou yo ka vanse sou chimen lavi a. E sa, malgre move lavi, pwoblem lasante, mank manje ak dezod ensekirite ki eseye bare chimen yo.
Mais c’est sans compter sur la résilience qui revit en nous à chaque roulement de tambour dans nos rues, le bonheur que l’on tire de notre cuisine traditionnelle, notre art, notre danse. Car, outre la langue, nous nous sommes construit un assemblage culturel à nul autre pareil où s’insuffle en nous, à chaque battement de cœur, une énergie féroce. Et sous le tempo du Tam-tam de nos rythmes ancestraux nous cultivons sans relâche nos terres en nous unissant et nous entraidant à travers ce qu’on appelle le « Konbit ». Et nous dansons et déambulons à travers les rues en bande de Rara lors des carnavals pour chanter nos misères ainsi que notre confiance dans un changement pour le bien-être de notre peuple. Et si tout cela ne suffit pas à revigorer notre énergie, nous faisons du théâtre dans les rues.
Juste une façon de vous dire qu’il en faudrait plus qu’un mois dédié à honorer notre langue et la culture créole, qui incarnent notre fierté et circulent sans cesse à travers chacune des veines de notre corps.
Darlie Pricila Hershel Louis
Bibliothécaire à Vialet (Haïti)