Darlie Pricila Hershel Louis
Bibliothécaire de TSF
Haïti, Vialet
Hommage à Sœur Flora Blanchette
Il arrive que dans la vie, nous ayons cette chance inopinée de rencontrer des êtres humains dont les mots nous manqueront toujours pour peindre à juste titre le courage, le dévouement et le sentiment d’humanité qui émane de leur personnalité. Le genre de personnes dont l’amour qu’ils communiquent aux autres reste gravé dans les cœurs et dans la petite histoire, pour célébrer leur passage sur cette terre. La Sœur Flora Blanchette du Centre de l’œuvre Saint François d’Assise à l’Île-à-Vache est de cette catégorie.
Âgée de 83 ans et de nationalité canadienne, nous retrouvons contre toute attente en la personne de Sœur Flora l’exemple typique de la mère haïtienne dévouée et encline aux sacrifices pour la survie, la sureté et le bien-être de ses enfants. C’est tout simplement pour dire, qu’il est étonnant de constater l’engouement et la volonté féroce qui émane de cette Sœur ayant choisi de vouer sa vie uniquement à Dieu et d’être capable d’incarner l’exemple la plus digne d’une mère pour donner à tous ses enfants un avenir sûr par une éducation solide, fiable et de qualité. Ce qui fait qu’aujourd’hui, il y a plusieurs adultes responsables qui vouent leurs plus profondes reconnaissances à cette forte femme qui les a éduqués et mis sur le chemin de la réussite, ainsi que des centaines d’enfants qui ont pu terminer leur parcours scolaire et académique grâce à la bienveillance et au sens de responsabilité accrue de la Sœur Blanchette.
Selon une anecdote qu’elle a tenu à nous confier, et dont beaucoup peuvent en témoigner, tout a commencé, il y a des années de cela avec un enfant qu’on lui avait confié comme étant mort pour en assurer les funérailles alors qu’elle n’était venue sur l’île que pour travailler et prodiguer des soins de santé aux habitants par le biais du dispensaire sur place. Mue sans doute par un instinct maternel et médical puissant, elle a tout tenté pour essayer de réanimer le petit corps de l’enfant et a abouti évidemment à ce qu’on pourrait qualifier d’un miracle : l’enfant respirait à nouveau ! Ainsi a commencé la vie de Sœur Flora en tant que fondatrice du Centre de l’œuvre Saint François d’Assise d’Île-à-Vache avec lequel Terre Sans Frontières a noué un fructueux partenariat depuis 2015 en le soutenant financièrement par des projets et programmes qui ne visent autre chose que le développement de la communauté sur plusieurs aspects.
Ensemble, l’œuvre et l’institution ont réalisé beaucoup de choses et marchent sur le chemin du progrès en aidant et en soutenant les riverains de plusieurs localités, soit par des cliniques mobiles, des distributions de nourriture en cas d’insécurité alimentaire grave, ou un programme d’assistance sociale ainsi qu’un projet à caractère agro-pastoralisme pour la relance de l’économie et aider les habitants à générer des revenus. Ainsi, Terre Sans Frontières tient à honorer ouvertement La Sœur Flora Blanchette pour son humanisme à toute épreuve et son souci de voir progresser les jeunes de toutes les provenances, qu’importent leurs conditions de santé et de vouloir qu’ici, dans cette vie, chacun puisse avoir les mêmes chances de réussite. Car elle a aussi créé cette structure, non seulement pour héberger les enfants présentant autant des handicaps physiques que mentaux, mais aussi en tentant de les éduquer sur un plan intellectuel, même quand la situation semble perdue. Et pour mieux comprendre cela, quoi de mieux que le témoignage de Dame Huguette que je vous citerai ici sans rien y changer sinon que la langue dans laquelle ses mots justes ont été prononcés :
« Si je devais témoigner de ma vie avec Sœur Flora, je ne saurai trouver les mots exacts pour en parler. Le pourquoi, c’est que simplement, je dirai qu’elle ne m’a pas mis au monde biologiquement mais ELLE EST MA MÈRE. C’est dire, deux jours après ma naissance on m’a apporté à la Sœur Flora et c’est elle qui sera ma mère et mon père. C’est elle qui savait quand j’avais besoin de changer des couches, me donnait du lait car je n’ai pas tété. C’était elle-même qui en cherchait, quémandait même parfois pour nos besoins, ce qui malheureusement, une fois lui a valu d’être tombée dans la mer lors d’un voyage en bateau. C’était pour nous trouver des médicaments et du lait. Et des fois, en quittant l’île, elle pouvait se rendre jusqu’à la capitale de quoi faire des demandes auprès des tierces pour pouvoir subvenir à nos besoins. En fait, de la même façon qu’un enfant peut être reconnaissant envers sa mère, c’est ainsi que je le suis envers Sœur Flora. Ce qui fait que si jamais elle tombe malade automatiquement je ne me sens pas bien non plus. Car elle et moi sommes très attachées l’une à l’autre. Vous verrez également que si je ne suis pas à Île-à-Vache, elle ne va pas cesser de demander après moi. Du coup, j’essaie de toujours rester en contact avec elle et toujours, comme une mère aimante, elle attend ma visite. Personnellement, moi, j’ai un amour inconditionnel à l’égard de Sœur Flora, de même que je l’ai pour mes enfants. Sincèrement, c’est tout simplement inexplicable et il n’y a aucun mot qui pourra m’aider à décrire cette personne qui encore aujourd’hui demeure un modèle pour moi et qui est un « Poto Mitan » dans ma construction en tant que personne. Aujourd’hui, je ne dis pas que je n’aurais pu être celle que je suis sans elle, mais je doute fort. Parce que dans l’environnement où j’aurais grandi, cela n’aurait pas été le cas. Ainsi, ma bouche même n’est pas suffisante pour exprimer ma reconnaissance envers la Sœur. Et si à présent je suis de retour à l’Île-à-Vache pour travailler dans le Centre, c’est juste une façon de transmettre et de continuer le travail de Sœur Flora. Car ce n’est pas l’argent qui compte mais le soutien que je peux apporter à l’œuvre ». Un autre continuera pour dire que dès qu’il tombait malade, Sœur Flora ne perdait jamais de temps pour l’envoyer se soigner. A présent agronome, il valorise encore plus la présence de la sœur dans sa vie car elle a travaillé précisément pour sa réussite. C’est pour dire que dans sa démarche, Sœur Blanchette a tenu à tous les maintenir sur un point d’équilibre et d’équité parfaite, développant en eux la tolérance et l’acceptation de l’autre comme soi.
En fait, inlassablement, nous laissons des traces de notre existence un peu partout dans cette vie. Laissant aux autres un arrière-gout de notre essence vitale, de ce qu’on est par nos actions et par les sentiments qu’on les inspire. Et plus tard quand viendra le moment de nous citer, nos actions détermineront soit de notre bonté, notre grandeur d’âme ou notre manque d’empathie. Alors il convient donc à nous et a nous seuls de savoir quel sera l’impact ou quelle est l’image que nous voudrions que les autres gardent de nous tout en ayant en tête que « L’honneur vient toujours à ceux qui le méritent réellement ». Inutile donc de mentionner que pour nous autres à Terre Sana Frontières, Sœur Flora est une icône et ses actions peuvent témoigner aujourd’hui de sa grandeur d’âme.
Darlie Pricila Hershel Louis
Bibliothécaire à Vialet (Haïti)